Beaucoup de gens prennent de l’hydroxyzine sans savoir qu’elle peut provoquer un problème cardiaque grave. Ce médicament, souvent prescrit pour l’anxiété, les démangeaisons ou les nausées, est vu comme un simple sédatif inoffensif. Mais depuis 2015, les autorités sanitaires européennes et américaines ont mis en garde : l’hydroxyzine peut allonger l’intervalle QT du cœur, ce qui peut déclencher une arythmie mortelle appelée torsade de pointes.
Qu’est-ce que l’allongement du QT et pourquoi ça compte ?
L’intervalle QT, mesuré sur un électrocardiogramme (ECG), représente le temps que prend le cœur pour se recharger entre deux battements. Si cet intervalle devient trop long, le cœur peut se mettre à battre de façon désordonnée. La torsade de pointes, une forme de fibrillation ventriculaire, peut provoquer un évanouissement, un arrêt cardiaque, ou même la mort - parfois en moins de 10 minutes après la prise du médicament.
L’hydroxyzine bloque un canal ionique appelé hERG, qui permet au potassium de sortir des cellules cardiaques pendant la phase de répolarisation. Sans ce courant de potassium, le cœur met plus de temps à se reposer. Ce ralentissement électrique est ce qu’on appelle l’allongement du QT. Ce n’est pas une théorie : des études ont montré que l’hydroxyzine inhibe ce canal à des concentrations présentes dans le sang après une dose standard. Le risque augmente avec la dose : plus vous en prenez, plus le cœur est exposé.
Qui est vraiment en danger ?
Si vous êtes jeune, en bonne santé, sans autre médicament, et que vous prenez 25 mg d’hydroxyzine une fois pour une crise d’anxiété, le risque est très faible. Mais la plupart des cas graves surviennent chez des personnes vulnérables. Voici les facteurs qui multiplient le risque :
- Avoir plus de 65 ans
- Prendre d’autres médicaments qui allongent aussi le QT (comme l’amiodarone, certains antidépresseurs ou certains antibiotiques)
- Avoir un taux de potassium ou de magnésium bas
- Être atteint d’une maladie cardiaque ou d’un syndrome du QT long congénital
- Avoir une insuffisance hépatique (l’hydroxyzine se dégrade dans le foie)
- Être un métaboliseur lent du CYP2D6 (un gène qui influence la façon dont le corps élimine le médicament)
Une étude de 2023 a montré que les personnes avec un statut de métaboliseur lent du CYP2D6 avaient 3,2 fois plus de risque de développer une torsade de pointes après prise d’hydroxyzine. C’est un détail souvent ignoré par les médecins.
Combien est trop ? Les doses recommandées aujourd’hui
Avant 2015, les doses pouvaient aller jusqu’à 300 mg par jour. Aujourd’hui, les règles sont strictes :
- Adultes : pas plus de 100 mg par jour
- Personnes âgées (65 ans et plus) : pas plus de 50 mg par jour
- Enfants : 2 mg par kg de poids corporel, jusqu’à 40 kg
La plupart des cas de torsade de pointes ont été rapportés après des doses de 50 mg ou plus, souvent chez des patients déjà à risque. Même 25 mg peut être dangereux si vous avez plusieurs facteurs de risque combinés. Un cas documenté en 2022 décrit une femme de 68 ans, sans antécédents cardiaques, qui a eu une torsade de pointes après une seule prise de 50 mg, parce qu’elle prenait aussi de l’amiodarone. Elle a dû être réanimée d’urgence.
Comment les médecins devraient prescrire l’hydroxyzine aujourd’hui
Un bon médecin ne prescrit plus l’hydroxyzine comme un simple sédatif. Il vérifie d’abord :
- Un ECG récent (moins de 30 jours) pour mesurer l’intervalle QT corrigé (QTc) : il doit être inférieur à 450 ms chez l’homme et à 470 ms chez la femme.
- Les autres médicaments pris : en consultant la base de données CredibleMeds, qui classe l’hydroxyzine comme « Risque connu de torsade de pointes ».
- Les taux sanguins de potassium et de magnésium : ils doivent être dans la norme (potassium > 4,0 mmol/L, magnésium > 1,8 mg/dL).
- Les antécédents cardiaques ou génétiques : un syndrome du QT long familial ou un trouble du rythme antérieur.
Si une seule de ces conditions est présente, la dose doit être réduite et un suivi ECG est recommandé après 48 heures. Si deux ou plus sont présentes, l’hydroxyzine doit être évitée. Dans les hôpitaux, les systèmes informatiques bloquent désormais la prescription automatique si les critères ne sont pas remplis.
Comparaison avec d’autres antihistaminiques
Vous pensez peut-être que tous les antihistaminiques sont pareils. Ce n’est pas vrai.
| Antihistaminique | Génération | Risque de QT prolongé | Notes |
|---|---|---|---|
| Hydroxyzine | 1ère | Élevé | Classé « Risque connu » par CredibleMeds |
| Diphenhydramine | 1ère | Moderé à élevé | Fréquemment utilisée, mais risque similaire |
| Cetirizine | 2ème | Très faible | Préférée pour les allergies, sans risque cardiaque significatif |
| Loratadine | 2ème | Très faible | Idem, sans effet sur le QT |
| Fexofenadine | 2ème | Quasi nul | La plus sûre pour les patients cardiaques |
Les antihistaminiques de deuxième génération (cetirizine, loratadine, fexofenadine) sont bien plus sûrs. Ils n’ont pas la même structure moléculaire pour bloquer le canal hERG. Pour les démangeaisons chroniques, ils sont maintenant la première option recommandée par l’Académie américaine de dermatologie - à condition de faire un dépistage cardiaque si on persiste à utiliser l’hydroxyzine.
Le déclin de l’hydroxyzine, et ce qui remplace
Les prescriptions d’hydroxyzine ont chuté de 30 % aux États-Unis depuis 2015. En 2022, 12,7 millions d’ordonnances ont été délivrées, contre 18,3 millions en 2014. Les médecins apprennent à éviter ce médicament chez les personnes âgées. L’American Geriatrics Society l’a ajouté à sa liste des médicaments « potentiellement inappropriés » chez les plus de 65 ans.
Les alternatives gagnent du terrain :
- Pour l’anxiété : la mirtazapine (à faible dose) ou le buspirone
- Pour les démangeaisons : le gabapentin, la nalfurafine ou les crèmes topiques à base de capsaïcine
- Pour le sommeil : la mélatonine ou des approches comportementales
Des chercheurs développent même un nouveau dérivé de l’hydroxyzine, appelé VH-01, qui conserve les effets antihistaminiques mais avec 87 % moins d’affinité pour le canal hERG. Il est actuellement en phase I d’essai clinique.
Que faire si vous prenez déjà de l’hydroxyzine ?
Ne l’arrêtez pas brutalement sans consulter votre médecin. Mais si vous avez plus de 65 ans, ou si vous prenez d’autres médicaments, ou si vous avez déjà eu des palpitations, des étourdissements ou des évanouissements après la prise, parlez-en dès maintenant.
Voici ce qu’il faut faire :
- Consultez votre dossier médical : avez-vous eu un ECG récent ?
- Regardez la liste de vos médicaments : est-ce qu’un autre est classé « Risque de torsade » ?
- Demander un test de potassium et de magnésium sanguin.
- Si vous avez deux facteurs de risque ou plus, demandez un remplacement.
- Si vous avez une seule condition à risque, demandez à réduire la dose à 25 mg par jour maximum.
Les patients qui ont pris l’hydroxyzine pendant des mois ou des années pour l’anxiété ou l’insomnie sont les plus exposés. Ce n’est pas un médicament pour un usage chronique. Même à petite dose, l’accumulation dans le corps peut devenir dangereuse.
Conclusion : un médicament qui nécessite du respect, pas de la négligence
L’hydroxyzine n’est pas un poison. Mais elle n’est plus non plus un « petit tranquillisant » sans danger. Elle a le même niveau de vigilance requise que des médicaments comme la citalopram ou la lévofloxacine - des substances qu’on ne prescrit plus sans vérifier le cœur.
Le message est clair : si vous êtes en bonne santé, jeune, et que vous en prenez une seule fois pour une crise, vous êtes probablement en sécurité. Mais si vous êtes âgé, sous d’autres traitements, ou avez un cœur fragile, cette molécule peut vous tuer. Les médecins le savent. Les hôpitaux l’ont intégré. Il est temps que les patients aussi.
La médecine a appris à ne plus sous-estimer les antihistaminiques. Ce n’est plus une question de « ça peut arriver » - c’est une question de « ça est arrivé, et ça peut arriver encore ».
1 commentaires
michel laboureau-couronne
Ce post est une vraie bombe d'informations, merci ! J'ai pris de l'hydroxyzine pendant des années pour dormir, sans jamais savoir qu'elle pouvait me tuer. Je vais aller voir mon médecin cette semaine.