Il y a vingt ans, un enfant né avec le VIH avait peu de chances de vivre jusqu’à ses cinq ans. Aujourd’hui, avec les bons traitements, beaucoup d’entre eux grandissent, vont à l’école, et deviennent adultes. Le didanosine a joué un rôle clé dans cette transformation, surtout dans les pays où les options étaient limitées. Ce médicament, apparu dans les années 1990, n’est plus le premier choix aujourd’hui, mais il reste un outil important dans certains cas spécifiques, surtout pour les enfants qui ne tolèrent pas d’autres antirétroviraux.
Qu’est-ce que le didanosine ?
Le didanosine, aussi appelé ddI, est un antirétroviral de la classe des nucléosides inhibiteurs de la transcriptase inverse (NRTI). Il fonctionne en bloquant une enzyme que le VIH utilise pour copier son génome dans les cellules humaines. Sans cette copie, le virus ne peut pas se multiplier. Le didanosine a été l’un des premiers médicaments approuvés pour traiter le VIH chez les enfants, après des essais cliniques montrant qu’il réduisait la charge virale et améliorait la croissance chez les bébés séropositifs.
Contrairement à d’autres NRTI comme la zidovudine, le didanosine a une demi-vie plus longue, ce qui permettait une prise deux fois par jour au lieu de trois ou quatre. Pour les parents d’enfants atteints du VIH, cela signifiait moins de stress, moins d’oubli, et une meilleure adhérence au traitement. En pratique, il était souvent administré sous forme de poudre à mélanger avec de l’eau ou du jus, ce qui facilitait la prise chez les tout-petits.
Pourquoi le didanosine a-t-il été utilisé chez les enfants ?
Les enfants ne sont pas de petits adultes. Leur corps métabolise les médicaments différemment. À la fin des années 1990, la zidovudine était le traitement de référence, mais elle pouvait causer une anémie sévère chez les nourrissons. Le didanosine, lui, avait un profil d’effets secondaires différent : moins d’impact sur la moelle osseuse, mais plus de risques pour le pancréas et les nerfs.
Les médecins ont rapidement appris à l’utiliser avec prudence. Dans les pays à ressources limitées, où les tests de laboratoire étaient rares, le didanosine devenait une option viable parce qu’il n’exigeait pas de surveillance fréquente des taux sanguins. Des études menées en Afrique de l’Est et en Asie du Sud-Est ont montré que les enfants traités avec du didanosine en combinaison avec la lamivudine et la névirapine avaient une survie comparable à celles des enfants dans les pays riches, à condition qu’ils prennent le traitement régulièrement.
Les effets secondaires à surveiller chez les enfants
Le didanosine n’est pas sans risques. Les plus graves concernent le pancréas (pancréatite) et les nerfs périphériques (neuropathie). Chez les enfants, la neuropathie est plus rare qu’chez les adultes, mais elle peut se manifester par des douleurs aux pieds, une difficulté à marcher, ou une sensibilité accrue au toucher. La pancréatite, elle, est plus dangereuse : elle peut provoquer des vomissements intenses, des douleurs abdominales, et une perte d’appétit. Dans certains cas, elle a conduit à des hospitalisations.
Les enfants ayant un poids inférieur à 10 kg ou une fonction rénale altérée étaient plus à risque. Les médecins ont donc appris à ajuster la dose en fonction du poids et à éviter le didanosine chez les enfants avec des antécédents de problèmes pancréatiques. La prise à jeun était obligatoire - il fallait attendre au moins 30 minutes avant de manger après la prise, car la nourriture réduisait son efficacité.
Le didanosine aujourd’hui : un médicament de réserve
Depuis 2010, les recommandations mondiales ont changé. Des antirétroviraux plus sûrs et plus efficaces sont devenus disponibles : le tenofovir, l’abacavir, les inhibiteurs de protéase pédiatriques. Le didanosine a été déclassé. L’OMS ne le recommande plus comme traitement de première ligne depuis 2013. Dans les pays riches, il est presque inutilisé. Mais dans certaines régions du monde, il est encore présent dans les stocks nationaux.
Pourquoi ? Parce qu’il est bon marché. Un mois de traitement coûte moins de 5 dollars. Pour les familles qui ne peuvent pas accéder à des traitements plus récents, ou pour les enfants qui ont développé une résistance aux autres médicaments, le didanosine reste une option viable - à condition qu’il soit surveillé. Certains programmes en Afrique subsaharienne continuent de l’utiliser dans des schémas de rechange, surtout pour les enfants de plus de 3 ans.
Quand le didanosine est-il encore une bonne option ?
Il n’y a pas de réponse universelle, mais trois situations spécifiques où il peut encore être utile :
- Quand un enfant a une intolérance à la zidovudine ou à l’abacavir, avec des réactions cutanées ou une anémie persistante.
- Dans les cas de résistance au premier schéma, surtout si le virus montre une résistance au tenofovir mais reste sensible au didanosine.
- En situation d’urgence, quand aucun autre ARV pédiatrique n’est disponible - par exemple après une catastrophe naturelle ou un conflit.
Dans ces cas, il est toujours utilisé en combinaison avec au moins deux autres antirétroviraux. Jamais seul. Et toujours avec un suivi régulier : tests sanguins mensuels pendant les trois premiers mois, puis tous les deux mois. Les parents doivent être formés à reconnaître les signes d’alerte : douleur abdominale, vomissements répétés, boiterie, ou refus de manger.
Les alternatives modernes et pourquoi elles ont remplacé le didanosine
Les nouveaux traitements ont trois avantages clés : meilleure tolérance, moins de surveillances, et une prise plus simple. Le dolutégravir, par exemple, est un inhibiteur d’intégrase qui peut être donné une fois par jour, même aux bébés de moins d’un an. Il n’a pas d’effet sur le pancréas ni sur les nerfs. Il est aussi moins sensible aux mutations de résistance.
Les formulations pédiatriques modernes sont aussi plus pratiques : comprimés dispersibles, suspensions à saveur de fraise, et systèmes de dose unique dans des sachets préremplis. Les enfants les prennent plus facilement, et les parents sont plus confiants.
Le didanosine, lui, exige encore des précautions complexes : prise à jeun, stockage au frais, attention aux interactions avec les antacides. Dans un monde où la simplicité sauve des vies, ces contraintes sont devenues un fardeau.
Que faire si votre enfant prend encore du didanosine ?
Si votre enfant est toujours sous didanosine, ne l’arrêtez pas brutalement. Un arrêt soudain peut entraîner une rechute virale et augmenter le risque de résistance. Parlez à votre médecin. Demandez un bilan complet : charge virale, numération sanguine, tests du pancréas et des nerfs. Si tout est stable, il est probable que vous puissiez passer à un traitement plus moderne - et plus sûr.
De nombreux programmes d’aide internationale offrent des échanges gratuits de médicaments. Des organisations comme Médecins Sans Frontières ou l’UNICEF aident les cliniques à remplacer le didanosine par des alternatives plus récentes. Il n’est jamais trop tard pour améliorer le traitement.
Le didanosine est-il encore utilisé dans les pays développés ?
Non, presque pas. Dans les pays riches comme la Suisse, les États-Unis ou le Canada, le didanosine n’est plus utilisé comme traitement de première ou même de deuxième ligne. Les alternatives plus sûres et plus simples ont complètement remplacé ce médicament. Il est seulement conservé dans certains laboratoires pour des cas de recherche ou d’urgence extrême.
Quels sont les signes d’une réaction toxique au didanosine chez un enfant ?
Les signes d’alerte incluent des vomissements répétés, des douleurs abdominales intenses, une perte d’appétit soudaine, une boiterie ou une douleur aux pieds, une faiblesse inhabituelle, ou une peau plus jaune que d’habitude. Si l’un de ces symptômes apparaît, il faut consulter immédiatement. La pancréatite peut évoluer rapidement et nécessite une hospitalisation.
Le didanosine peut-il être pris avec d’autres médicaments ?
Il y a plusieurs interactions dangereuses. Il ne faut jamais le prendre avec de l’aluminium ou du magnésium (présents dans certains antiacides), car cela réduit son absorption. Il faut aussi éviter la stavudine (d4T), car les deux médicaments augmentent le risque de neuropathie. Toujours vérifier avec un pharmacien ou un médecin avant d’ajouter un nouveau médicament.
Le didanosine est-il efficace contre les souches résistantes du VIH ?
Il peut l’être, mais seulement si le virus n’a pas développé de mutations spécifiques contre lui. La mutation M184V, fréquente après un traitement à la lamivudine, rend le didanosine moins efficace. Un test de résistance virale est nécessaire avant de l’utiliser. Sans ce test, il est risqué de l’administrer.
Pourquoi le didanosine est-il encore disponible dans certains pays ?
Parce qu’il est peu coûteux et que les systèmes de santé n’ont pas encore pu remplacer tous les stocks anciens. Dans certaines régions, les fournisseurs internationaux continuent de le distribuer en tant que médicament de rechange, surtout pour les enfants plus âgés ou ceux avec des allergies aux traitements modernes. C’est une solution temporaire, pas une norme.
Le didanosine a sauvé des vies. Il a permis à des milliers d’enfants de survivre à une époque où le VIH était une sentence. Aujourd’hui, il ne doit plus être le choix standard, mais il reste un rappel important : les traitements évoluent, et la meilleure option pour un enfant aujourd’hui n’est pas nécessairement celle de hier. Ce qui compte, c’est de veiller à ce que chaque enfant ait accès au meilleur traitement possible - et de ne jamais se contenter du premier qui est disponible.
4 commentaires
James Scurr
Le didanosine, c’est un peu comme le cassetop : on l’a utilisé parce qu’on n’avait rien d’autre, et maintenant qu’on a le streaming, on s’en fiche. Mais bon, dans certains coins du monde, il fait toujours la différence entre vivre et mourir. Faut pas oublier ça.
fabrice ivchine
Techniquement, le ddI a une biodisponibilité orale erratique, surtout avec les variations de pH gastrique chez les enfants. Les études de la Cochrane en 2008 montrent une variabilité inter-individuelle de 40 à 60 % dans les concentrations plasmatiques. C’est un cauchemar pharmacocinétique. Pas étonnant qu’on l’ait abandonné.
Margot Gaye
Attention à l’orthographe : c’est « didanosine », pas « didanosine » avec un « s » final muet. Et « NRTI » s’écrit toujours en majuscules, sans point. Ce genre de négligence nuit à la crédibilité du texte.
Gabrielle Aguilera
J’adore comment tu décris la poudre dans le jus… j’ai vu des mamans faire des trucs de fous pour faire avaler ça à leurs bouts de chou. Une fois, une mère à Dakar a mélangé ça avec du jus de mangue et un peu de sucre - le gosse l’a pris comme un bonbon. C’était pas dans les protocoles, mais ça a marché. Parfois, la vie est plus créative que les guidelines.