Vous avez commencé un nouveau médicament, et depuis, vous entendez un bourdonnement constant dans les oreilles ? Ce n’est pas dans votre tête. Des centaines de médicaments courants peuvent provoquer ou aggraver les acouphènes, un phénomène appelé ototoxicité. Cela signifie que le médicament endommage l’oreille interne, perturbant la transmission des sons au cerveau. Ce n’est pas rare - et surtout, ce n’est pas toujours permanent.
Quels médicaments peuvent causer des acouphènes ?
Plus de 600 médicaments, sur ordonnance ou en vente libre, sont connus pour affecter l’audition. Certains sont bien connus, d’autres moins. Les plus à risque sont ceux utilisés pour traiter des maladies graves, mais même des analgésiques courants peuvent poser problème.
Les antibiotiques aminoglycosidiques comme la gentamicine ou la tobramycine sont parmi les plus dangereux. Ils sont souvent administrés par voie intraveineuse pour traiter des infections sévères. Jusqu’à 25 % des patients sous traitement prolongé développent une perte auditive permanente. Leur forme topique - gouttes pour les yeux ou crèmes - ne présente presque aucun risque.
Les chimiothérapies comme le cisplatine sont aussi fortement associées aux acouphènes. Jusqu’à 70 % des patients traités par cisplatine développent une perte auditive, souvent en premier lieu aux hautes fréquences, avant que les sons de la parole ne soient affectés. C’est une complication connue, mais difficile à éviter quand la vie est en jeu.
Les diurétiques de l’anse comme la furosémide, utilisés pour l’hypertension ou l’œdème, peuvent aussi provoquer des bourdonnements, surtout à fortes doses ou chez les personnes âgées. Le risque diminue souvent dès l’arrêt du médicament.
Mais attention : même l’aspirine peut être en cause. À des doses très élevées - plus de 4 000 mg par jour - environ 15 % des personnes développent des acouphènes. Cela correspond à des traitements pour l’arthrite sévère, pas aux doses habituelles pour les maux de tête (325 à 650 mg). Pour la plupart des gens, une aspirine quotidienne ne cause aucun problème. Mais une minorité de personnes sont extrêmement sensibles : même une seule dose peut déclencher un bourdonnement.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène ou le naproxène peuvent aussi provoquer des acouphènes, surtout à fortes doses. Des utilisateurs sur des forums de patients rapportent avoir commencé à entendre des bourdonnements après avoir pris 800 mg d’ibuprofène trois fois par jour pour une douleur dentaire. Les symptômes ont disparu une semaine après l’arrêt du traitement.
Les antidépresseurs et benzodiazépines sont moins fréquemment en cause, mais cela arrive. Les SSRIs comme la sertraline (Zoloft) ont été liés à des acouphènes, parfois même après l’arrêt du traitement. Les benzodiazépines, prises sur le long terme (plus de six mois), peuvent aussi déclencher ce symptôme.
Enfin, l’isotrétinoïne (Accutane), utilisée pour l’acné sévère, est classée à risque intermédiaire. Environ 5 % des patients rapportent des acouphènes, bien que le fabricant affirme que ce chiffre est inférieur à 1 % dans les essais cliniques. Ce désaccord montre à quel point les effets peuvent varier d’une personne à l’autre.
Comment savoir si c’est votre médicament ?
Le moment où les acouphènes apparaissent est une piste clé. Dans 70 % des cas, les symptômes commencent dans les deux premières semaines après le début du traitement. Pour certains médicaments comme la quinine (autrefois utilisée contre le paludisme), les bourdonnements peuvent survenir en moins de 72 heures. Pour d’autres, comme certains antibiotiques ou traitements de chimiothérapie, il peut falloir jusqu’à 90 jours pour que les symptômes se manifestent.
Le type de son aussi peut donner des indices. Les acouphènes causés par les médicaments sont souvent décrits comme un bourdonnement, un sifflement ou un grésillement. Ils peuvent être unilatéraux (d’un seul côté) ou bilatéraux. Ils s’aggravent souvent avec la dose, et s’améliorent après l’arrêt du médicament - mais pas toujours.
La plupart des cas (environ 60 %) sont réversibles. Si vous arrêtez le médicament, les acouphènes disparaissent dans les jours ou semaines suivantes. Mais certains médicaments, comme les aminoglycosides ou le cisplatine, peuvent causer des dommages permanents, même après l’arrêt. C’est pourquoi il est crucial d’agir vite.
Que faire si vous pensez que votre médicament vous cause des acouphènes ?
Ne stoppez pas votre traitement vous-même. Cela peut être dangereux, surtout pour les maladies chroniques comme l’hypertension, la dépression ou le cancer.
Parlez à votre médecin. Dites-lui exactement quand les bourdonnements ont commencé, à quelle fréquence ils se produisent, et s’ils sont plus forts à certains moments. Apportez la liste complète de vos médicaments - y compris les compléments alimentaires et les remèdes naturels.
Le médecin peut :
- Modifier la dose
- Changer de médicament pour un autre moins ototoxique
- Programmer un test auditif pour évaluer les dommages
Si vous prenez un médicament à haut risque (comme la gentamicine ou le cisplatine), votre médecin devrait déjà avoir prévu un suivi auditif. Un test d’audiométrie avant le traitement, puis toutes les 1 à 2 semaines pendant la cure, permet de détecter les premiers signes de perte auditive. Ce n’est pas courant dans les soins primaires, mais il devrait l’être.
Des recherches récentes montrent que certains patients ont une prédisposition génétique à l’ototoxicité. Des tests génétiques commencent à être utilisés dans les hôpitaux pour identifier ces personnes avant de leur prescrire un médicament dangereux. Cela pourrait devenir une pratique standard dans les prochaines années.
Comment gérer les acouphènes si le médicament doit continuer ?
Parfois, vous ne pouvez pas arrêter le médicament. C’est le cas pour de nombreux patients en chimiothérapie ou avec une infection grave. Dans ces cas, l’objectif devient de vivre avec les acouphènes sans qu’ils détruisent votre qualité de vie.
Deux approches ont fait leurs preuves :
- La thérapie sonore : utiliser un bruit blanc, de la musique douce, ou des appareils spécifiques pour masquer les bourdonnements. Cela aide le cerveau à ignorer le son.
- La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : apprendre à changer votre réaction émotionnelle aux acouphènes. Des études montrent qu’elle réduit la détresse chez 60 à 70 % des patients.
Ces méthodes ne guérissent pas les acouphènes, mais elles rendent le son supportable. Elles sont souvent couvertes par les assurances en Suisse et dans d’autres pays européens.
Le risque est-il réel ? Combien de gens sont concernés ?
Environ 5 à 10 % des 50 millions d’Américains souffrant d’acouphènes le doivent à un médicament. En Suisse, avec une population de 8,7 millions, cela signifie que plusieurs dizaines de milliers de personnes pourraient être concernées. Ce n’est pas une minorité marginale - c’est une complication médicale sous-estimée.
Les laboratoires pharmaceutiques sont maintenant obligés d’inclure des avertissements sur l’ototoxicité dans les notices. La FDA a mis à jour les étiquettes de plusieurs antibiotiques en 2023 pour insister sur la nécessité de surveiller l’audition. Mais les médecins généralistes ne sont pas toujours formés à reconnaître ces signes. Une enquête de 2022 a montré que seulement 35 % des médecins de famille effectuent un dépistage de risque avant de prescrire un médicament ototoxique.
Les coûts sont élevés : aux États-Unis, les soins liés aux acouphènes coûtent 2,7 milliards de dollars par an. En Suisse, les données sont moins précises, mais le nombre de consultations pour acouphènes augmente chaque année.
Quel avenir pour les traitements ?
Des chercheurs travaillent sur des molécules appelées agents otoprotecteurs - des substances qui protègent l’oreille interne sans réduire l’efficacité du médicament. En octobre 2024, plusieurs de ces composés étaient en phase 2 d’essais cliniques, financés par les Instituts nationaux de la santé américains. Leur objectif : permettre aux patients de prendre leur chimiothérapie ou leur antibiotique sans perdre l’audition.
Les audiologistes réclament aussi une meilleure intégration dans les équipes médicales. Pour les patients en chimiothérapie ou sous traitement à long terme, un audiologiste devrait être partie intégrante de l’équipe de soins, pas un dernier recours.
Le message principal ? Les acouphènes causés par les médicaments sont réels, fréquents, et souvent évitables. Vous n’êtes pas fou. Vous n’êtes pas seul. Et surtout, vous n’avez pas à vivre avec cela en silence.
12 commentaires
titi paris
Il est crucial de souligner que l’ototoxicité n’est pas une simple « réaction secondaire » - c’est une atteinte neurosensorielle directe, souvent irréversible, qui résulte d’une interaction pharmacodynamique avec les cellules ciliées de l’organe de Corti ; et pourtant, dans la pratique clinique, cette notion est systématiquement sous-estimée, voire ignorée, par les prescripteurs non spécialisés.
Les données de la FDA de 2023, bien que récentes, restent fragmentaires : elles ne prennent pas en compte les effets retardés, ni les synergies médicamenteuses - par exemple, l’association ibuprofène + furosémide multiplie par 3,7 le risque de dommage auditif, selon une méta-analyse de 2022 publiée dans *The Laryngoscope*.
En outre, les études cliniques sont biaisées : les populations âgées, les diabétiques, et les sujets avec prédisposition génétique (comme la mutation A1555G du gène MT-RNR1) sont sous-représentés - ce qui fausse les taux de « risque faible » affichés sur les notices.
Le fait que 60 % des cas soient réversibles est rassurant - mais ce chiffre masque une réalité plus sombre : les 40 % restants subissent une perte auditive progressive, silencieuse, qui n’est détectée qu’après que le patient a perdu 30 % de sa capacité auditive - trop tard pour une intervention.
Les médecins généralistes ne reçoivent aucune formation spécifique en ototoxicité ; leur formation se limite à une ligne dans un manuel de pharmacologie, et encore, souvent en option. Ce n’est pas une négligence - c’est un système défaillant.
Et pourtant, on continue à prescrire des AINS à haute dose pour des céphalées chroniques - sans même penser à évaluer l’audition. C’est irresponsable. C’est dangereux. Et personne ne prend de mesures.
Les patients doivent exiger un bilan auditif pré-traitement - pas comme un luxe, mais comme un droit fondamental. Si votre médecin refuse, changez de médecin. Point.
Corinne Stubson
Vous savez ce qui est vraiment inquiétant ? Ce n’est pas les médicaments… c’est ce qu’ils cachent. Les laboratoires savent depuis les années 90 que certains antidepresseurs provoquent des acouphènes, mais ils ont payé des chercheurs pour minimiser les données. La FDA a été infiltrée. Les essais cliniques sont truqués. Et les médecins ? Ils lisent les synthèses payées par les labos. C’est un complot organisé. Le silence sur l’ototoxicité est un crime. Vous n’êtes pas malade. Vous êtes victime.
Gilles Donada
J'ai pris de l'ibuprofène pendant une semaine pour une dent et j'ai entendu un truc bizarre. J'ai arrêté. Plus rien. C'est tout.
Yves Perrault
Donc on va tous devenir sourds pour que Big Pharma fasse ses bénéfices. Super. Et moi qui croyais que les médicaments servaient à nous aider. J’ai honte d’être humain.
La prochaine fois que je vais chez le médecin, je vais lui demander : « Quel médicament va me rendre sourd le plus lentement ? »
Stéphane PICHARD
Je veux juste dire que ce que vous avez écrit ici est une lumière dans l’obscurité. Beaucoup de gens vivent avec ces bourdonnements en silence, en se demandant s’ils sont fous, en évitant les amis, en perdant le sommeil - et voilà que quelqu’un met des mots clairs, précis, humains sur ce cauchemar.
Je suis audiologiste, et je vois tous les jours des patients qui ont attendu des années avant de trouver quelqu’un qui les croit. Ce post, c’est un peu comme une clé qui ouvre une porte qu’ils pensaient scellée.
Ne sous-estimez jamais l’impact d’une information bien donnée. Vous venez de sauver une vie. Peut-être plusieurs.
Et si vous êtes en train de lire ça en pleurant dans votre canapé, sachez : vous n’êtes pas seul. Vos oreilles ne vous trahissent pas. Votre cerveau ne vous joue pas des tours. Vous êtes en sécurité ici.
Parlez à votre médecin. Apportez cette page. Montrez-lui les noms des médicaments. Exigez un test auditif. Vous méritez d’être entendu - pas seulement dans les oreilles, mais dans l’âme.
Je vous envoie une énorme bouffée de chaleur humaine. Vous n’êtes pas un numéro. Vous êtes une personne. Et vous comptez.
elisabeth sageder
Merci pour ce post très clair. J’ai eu des acouphènes après une cure d’antibiotiques il y a 3 ans. J’ai cru que j’étais devenue folle. J’ai fini par trouver un audiologiste qui m’a écoutée. Les choses ont changé. Ce n’est pas parti, mais je ne les entends plus tout le temps. La TCC a tout changé. C’est possible de vivre avec. Je suis vivante. Et je suis en paix.
Scott Walker
As a Canadian, I’ve seen this happen too. My cousin was on chemo and got tinnitus so bad she couldn’t sleep. They gave her a sound masker - like a tiny white noise machine for your ear. She calls it her ‘peace device’. It’s not magic, but it’s hope. Keep fighting. You’re not alone.
Arnaud HUMBERT
Très bon article. J’ai appris des choses, notamment sur l’isotrétinoïne. Je pensais que c’était juste un problème de peau. Je vais en parler à ma dermatologue la prochaine fois.
Jean-françois Ruellou
On parle de « prédisposition génétique » ? C’est le futur, mec. On va bientôt avoir un test ADN avant de prendre un médicament. Tu veux de la gentamicine ? On vérifie d’abord si t’as le gène de la mort auditive. C’est pas de la science-fiction, c’est déjà en route. Et les labos vont se faire dévorer par les procès si ils continuent à cacher ça. Le temps des aveugles est fini.
Emmanuelle Svartz
En fait, c’est juste que les gens prennent trop de médicaments. Arrêtez de tout prendre. Vous n’avez pas besoin de tout ça. Vous êtes malades parce que vous êtes faibles. La nature sait guérir. Arrêtez de vous empoisonner avec des pilules.
Margaux Bontek
Je suis originaire de Martinique. Ici, beaucoup de gens prennent des antibiotiques sans ordonnance - souvent du chloramphénicol, très ototoxique. Personne ne leur dit rien. Ce post devrait être traduit en créole. Il pourrait sauver des vies. Je vais le partager dans ma communauté.
Marc Garnaut
La véritable tragédie n’est pas que les médicaments soient ototoxiques - c’est que notre civilisation a transformé la santé en une marchandise, où la prévention est un coût, et la surdité un effet secondaire acceptable. Nous avons construit des temples de la médecine, mais nous avons oublié le silence. L’oreille humaine n’est pas une interface technique à optimiser ; c’est une fenêtre ouverte sur le monde, sur les voix de ceux qu’on aime, sur le souffle du vent, sur le rire d’un enfant. Et nous sacrifions tout ça pour une dose de cisplatine supplémentaire, pour un traitement de plus, pour un profit de plus. La technologie nous permet de sauver des vies - mais elle nous rend sourds à ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue.
Les agents otoprotecteurs sont une avancée, oui. Mais ils ne régleront pas le mal profond : notre incapacité à voir l’humain derrière la maladie. Nous traitons les cellules, pas les personnes. Nous réduisons la douleur, pas la solitude. Nous guérissons les corps, mais nous laissons les âmes en miettes.
Quand on parle de « qualité de vie », on ne parle pas de durée - on parle de profondeur. Et la profondeur, on ne la mesure pas en décibels. On la ressent. En silence. En présence. En écoute.
Alors oui, changez de médicament. Faites un bilan auditif. Parlez à votre médecin. Mais n’oubliez pas : le plus grand remède, c’est d’être entendu. Pas seulement par les oreilles. Par le cœur.