En 2025, l’industrie pharmaceutique entre dans une période sans précédent. Des médicaments qui ont généré des milliards de dollars chaque année vont perdre leur protection par brevet, ouvrant la voie à des versions génériques et biosimilaires bien moins chères. Ce n’est pas une simple transition : c’est un raz-de-marée financier et médical qui va transformer la manière dont les patients accèdent aux traitements, comment les hôpitaux gèrent leurs stocks, et où les grandes entreprises vont chercher leur prochaine source de revenus.
Le point de départ : Entresto en juillet 2025
Le premier gros coup vient de Novartis. Le médicament Entresto (sacubitril/valsartan), utilisé pour traiter l’insuffisance cardiaque, voit son brevet principal expirer en juillet 2025 aux États-Unis. En 2024, il a généré 7,8 milliards de dollars de ventes mondiales. Pour les patients, cela signifie que le prix mensuel pourrait chuter de 150 à 300 dollars à seulement 20-40 dollars. Les pharmacies ont déjà commencé à s’adapter. Des systèmes hospitaliers aux États-Unis ont négocié des réductions de 60 % avec les gestionnaires d’assurance-maladie, en prévision de l’arrivée des génériques. Le premier générique du sacubitril a même été approuvé par la FDA en octobre 2024 - une avance rare qui montre à quel point les fabricants sont prêts.
Le prochain géant : Eliquis en novembre 2026
En novembre 2026, c’est au tour d’Eliquis (apixaban), le médicament anticoagulant développé par Bristol Myers Squibb et Pfizer, de perdre son brevet. Avec 13,2 milliards de dollars de ventes en 2024, c’est l’un des médicaments les plus rentables au monde. Contrairement à Entresto, Eliquis n’est pas un médicament unique : il existe déjà d’autres anticoagulants sur le marché. Dès l’arrivée des génériques, les prix vont s’effondrer rapidement. Les études montrent que dans les douze mois suivant l’entrée des génériques, les ventes de la version originale chutent de 80 à 90 %. Les patients, les hôpitaux et les assurances vont économiser des milliards. Mais les fabricants de génériques sont nombreux - plus de 15 entreprises ont déjà déposé des demandes pour produire Eliquis. La concurrence va être féroce.
Le plus gros coup : Keytruda en 2028
En 2028, l’industrie va vivre ce qu’on appelle le « cliff » le plus important de l’histoire. Keytruda (pembrolizumab), le médicament contre le cancer de Merck, a généré 29,3 milliards de dollars en 2024. C’est le médicament le plus vendu au monde dans le domaine de l’oncologie. Il ne s’agit pas d’un simple comprimé : c’est un traitement immunothérapeutique complexe, une molécule biologique qui stimule le système immunitaire pour attaquer les cellules cancéreuses. Les génériques pour ce type de médicament s’appellent des biosimilaires, et leur fabrication est beaucoup plus difficile et coûteuse que pour les comprimés. Il faut entre 18 et 24 mois pour les approuver après l’expiration du brevet. Même ainsi, Merck risque de perdre jusqu’à 15 milliards de dollars par an dans les 18 mois suivant l’entrée des biosimilaires. L’entreprise a déjà réagi : elle investit 12 milliards de dollars dans de nouvelles thérapies contre le cancer pour remplacer les revenus de Keytruda.
Les différences entre génériques et biosimilaires
Il ne faut pas confondre les deux. Les génériques sont des copies exactes de médicaments chimiques, comme Entresto ou Eliquis. Ils sont plus simples à produire, et les prix chutent très vite. Les biosimilaires, comme ceux qui viendront pour Keytruda, sont des copies de protéines complexes fabriquées à partir de cellules vivantes. Ils ne sont jamais identiques à l’original, seulement très similaires. Leur développement prend plus de temps, coûte jusqu’à 10 fois plus cher, et leur adoption est plus lente. Les médecins hésitent à les prescrire, les patients craignent des effets différents. Même après cinq ans, les biosimilaires ne capturent que 50 à 60 % du marché. Cela donne aux fabricants d’origine un peu plus de temps pour s’adapter.
Qui gagne et qui perd ?
Les grands gagnants, c’est clair : les patients et les systèmes de santé. Le Bureau du budget du Congrès américain estime que les expirations de brevets entre 2025 et 2030 feront économiser 312 milliards de dollars aux États-Unis. Les patients atteints de maladies chroniques comme l’insuffisance cardiaque ou le cancer pourront enfin se permettre leur traitement. Les assureurs et les hôpitaux verront leurs coûts baisser. Mais pour les entreprises pharmaceutiques, c’est une crise. Merck pourrait perdre 31,2 milliards de dollars de revenus d’ici 2030. Amgen, qui vend plusieurs médicaments biologiques, risque de voir 52 % de ses revenus actuels disparaître. Ces entreprises ne resteront pas sans réagir. Elles achètent d’autres sociétés - Bristol Myers Squibb a récemment racheté Karuna Therapeutics pour renforcer son portefeuille dans les maladies neurologiques. Elles investissent dans la recherche de nouveaux traitements. Elles tentent même de prolonger leur monopole par des brevets secondaires, mais les autorités américaines surveillent de plus en plus ces pratiques.
Comment les professionnels de santé se préparent
Les pharmaciens, les médecins et les gestionnaires d’hôpitaux ne sont pas restés les bras croisés. Selon une enquête de l’American Society of Health-System Pharmacists, 87 % des directeurs de pharmacie hospitalière ont déjà commencé à préparer leur transition. Certains changent leurs listes de médicaments autorisés. D’autres forment leur personnel à expliquer la différence entre générique et original aux patients. Les associations de patients, comme l’American Heart Association, ont fait des sondages : 68 % des patients atteints d’insuffisance cardiaque disent qu’ils passeront immédiatement au générique d’Entresto dès qu’il sera disponible, simplement parce que le prix est trop élevé maintenant. Sur les forums de professionnels, les discussions sont partout : « Est-ce que le générique est aussi efficace ? » « Qu’est-ce qu’on fait si le patient a une réaction ? » « Comment on gère les stocks pendant la transition ? »
Le futur après 2030
Après 2030, la vague ne s’arrête pas. D’autres médicaments phares vont entrer dans la zone d’expiration. Mais l’industrie a appris. Les entreprises savent maintenant qu’elles ne peuvent plus compter sur un seul médicament pour durer 20 ans. Elles diversifient leurs recherches : vers les thérapies géniques, les traitements personnalisés, les vaccins thérapeutiques. Les géants du générique, comme Teva, Mylan et Sandoz, sont en train de se transformer en leaders mondiaux de la santé abordable. Et les gouvernements, enfin, commencent à comprendre que la protection des brevets ne doit pas être un obstacle à la santé publique. Le vrai changement, ce n’est pas juste un prix plus bas. C’est un système de santé qui commence à fonctionner pour tout le monde, pas seulement pour ceux qui peuvent payer.
1 commentaires
fleur challis
Ah oui bien sûr, les laboratoires vont tout simplement *laisser* tomber leurs brevets... comme si les lobbyistes ne s’étaient pas déjà payé 37 nouvelles lois pour les prolonger à coups de brevets secondaires sur des couleurs de comprimés. 🤡 On va bientôt avoir des génériques avec des emojis pour les patients, histoire de leur faire croire que c’est la même chose. Et les pharmaciens ? Ils vont devoir expliquer pourquoi le générique, c’est comme un iPhone reconditionné qui pète au bout de deux semaines. #BigPharmaLies