Si vous avez essayé plusieurs antidépresseurs sans succès, vous savez à quel point la dépression résistante peut être épuisante. Des milliers de personnes vivent avec cette forme de dépression qui ne répond pas aux traitements classiques. Et pourtant, il existe des options rapides - deux d’entre elles, la kétamine et l’eskétamine, changent la donne. Elles agissent en quelques heures, pas en semaines. Mais elles ne sont pas identiques. L’une est administrée par perfusion, l’autre par pulvérisation nasale. L’une est plus puissante, l’autre plus douce. Le choix n’est pas simple, et il dépend de bien plus que de la simple efficacité.
Comment ces traitements agissent-ils si vite ?
Contrairement aux antidépresseurs classiques qui modulent la sérotonine sur plusieurs semaines, la kétamine et l’eskétamine ciblent directement les récepteurs NMDA dans le cerveau. Cela active rapidement la croissance des connexions neuronales, surtout dans les régions liées à l’humeur et à la prise de décision. C’est comme réinitialiser un circuit électrique bloqué. Les études montrent que des patients peuvent ressentir une amélioration dès 24 heures après la première dose. Ce n’est pas une cure, mais une accélération du soulagement - ce qui peut être vital pour ceux qui pensent au suicide ou qui sont trop épuisés pour se lever le matin.
Kétamine IV : plus efficace, plus intense
La kétamine, utilisée depuis 1970 comme anesthésique, est administrée par voie intraveineuse à des doses bien plus faibles que celles utilisées pour l’anesthésie. Dans une étude récente de septembre 2025 menée par l’hôpital McLean (affilié à Harvard), 111 patients ont reçu des perfusions de kétamine. Résultat : une réduction moyenne de 49,22 % des symptômes de dépression après le dernier traitement. Beaucoup ont ressenti une amélioration dès la première séance. Ce n’est pas un hasard : la kétamine est un mélange de deux molécules (R et S), et les deux agissent ensemble pour stimuler le cerveau. Mais cette puissance a un prix. Près de 42 % des patients ont vécu des effets dissociatifs - une sensation de déconnexion du corps, des visions floues, une confusion passagère. Certains décrivent cela comme une « expérience spirituelle », d’autres comme une peur intense. C’est pourquoi chaque perfusion doit se faire sous surveillance médicale, avec un accès veineux et un personnel formé à la gestion des voies aériennes.
Eskétamine (Spravato) : plus pratique, plus douce
L’eskétamine, c’est la version « purifiée » de la kétamine : elle ne contient que la molécule (S). Elle a été approuvée par la FDA en 2019 sous le nom de Spravato®. Elle est administrée par spray nasal, deux fois par semaine, dans un cabinet médical. Moins d’effets dissociatifs : seulement 28,7 % des patients les ont ressentis, contre 42,3 % pour la kétamine IV. Cela en fait une option plus tolérée pour les patients qui craignent les effets psychédéliques. Mais il faut plus de séances pour obtenir le même résultat. Dans la même étude, l’eskétamine a réduit les symptômes de 39,55 % - significativement moins que la kétamine. Et il faut attendre deux séances avant de voir un changement réel. C’est moins intense, mais aussi plus lent. Pourtant, 78,4 % des patients ayant reçu l’eskétamine ont jugé leur expérience globale comme « bonne » ou « excellente », contre 62,9 % pour la kétamine. Pourquoi ? Parce que c’est plus simple : pas de perfusion, pas de cathéter, pas d’attente pour un lit d’hôpital.
Cout et accessibilité : un vrai déséquilibre
Le coût est un facteur décisif. Un cycle complet de huit perfusions de kétamine coûte entre 4 200 et 5 600 dollars. Le même nombre de séances d’eskétamine coûte entre 5 800 et 6 900 dollars. À première vue, la kétamine semble plus abordable. Mais voici le piège : seulement 38,2 % des assurances privées couvrent la kétamine, contre 67,4 % pour Spravato®. Cela signifie que beaucoup de patients paient de leur poche pour l’eskétamine - alors que la kétamine, bien que moins chère, est souvent hors de portée parce que les assurances refusent de la rembourser. Et ce n’est pas tout : en 2025, seulement 12,4 % des comtés américains avaient un centre certifié pour l’eskétamine. Pour la kétamine, c’est encore pire. Les cliniques spécialisées ont doublé depuis 2020, mais elles restent rares, surtout en dehors des grandes villes. Si vous vivez en zone rurale, vous devrez peut-être voyager des centaines de kilomètres.
Qui convient à quel traitement ?
Il n’y a pas de bonne réponse universelle. Pour les patients en crise suicidaire, la kétamine IV est souvent préférée. Son effet plus rapide et plus puissant peut sauver une vie. Le Dr John Krystal de Yale le dit clairement : « Pour la dépression grave et menaçante, la kétamine IV est la meilleure option. » Mais pour quelqu’un qui a déjà survécu à la crise, qui a besoin d’un traitement régulier, sans effets psychédéliques intenses, l’eskétamine est plus adaptée. La Dr Christine Denny de Columbia souligne que l’eskétamine est meilleure pour la thérapie de maintien. Elle est plus facile à intégrer dans une vie quotidienne. Les patients peuvent rentrer chez eux après deux heures d’observation, sans avoir besoin d’un accès veineux ou d’un anesthésiste.
Et la sécurité à long terme ?
Les données à long terme sont encore limitées. Mais les études les plus longues montrent que 56,3 % des patients ayant répondu à la kétamine IV gardent un soulagement à six mois avec des séances de maintenance toutes les 1 à 3 semaines. Pour l’eskétamine, ce chiffre tombe à 48,7 %. Cela ne veut pas dire que l’eskétamine échoue - mais qu’elle nécessite plus de rigueur dans la fréquence des traitements. Les deux substances sont classées comme stupéfiants de catégorie III. Elles peuvent être abusées. C’est pourquoi chaque dose est administrée sous surveillance, et que les patients ne peuvent pas emporter le spray chez eux. Les effets à long terme sur la vessie ou le foie sont encore étudiés, mais pour l’instant, les risques semblent faibles si les protocoles sont respectés.
Qu’en est-il des nouvelles pistes ?
La recherche avance vite. En novembre 2025, une étude dans Nature Mental Health a identifié un marqueur cérébral prometteur : une augmentation du pouvoir gamma dans les régions fronto-pariétales, mesurée par EEG, prédit avec précision qui va répondre au traitement. Cela ouvre la porte à des tests personnalisés - bientôt, on pourrait savoir avant même de commencer si la kétamine ou l’eskétamine sera efficace pour vous. De plus, un nouveau protocole en cours d’essai (NCT05528173) teste la kétamine par injection intramusculaire. Cela pourrait offrir un juste milieu : plus pratique qu’une perfusion, plus puissante qu’un spray. Et Janssen a déjà soumis une demande pour une nouvelle dose de Spravato® (112 mg), qui pourrait augmenter son efficacité sans plus d’effets secondaires.
Le verdict : choisir en fonction de vos besoins
La kétamine IV est plus efficace, plus rapide, et plus économique à long terme. Mais elle est plus intrusive, plus intense, et plus difficile à accéder. L’eskétamine est plus douce, plus pratique, et mieux couverte par l’assurance - mais elle agit plus lentement et coûte plus cher. Si vous êtes en crise, privilégiez la kétamine. Si vous cherchez un traitement stable, régulier, avec moins d’effets psychédéliques, l’eskétamine peut être votre meilleure option. Le plus important ? Parlez-en à un psychiatre spécialisé. Ce ne sont pas des traitements que vous prenez seul. Ce sont des outils puissants - et ils fonctionnent mieux quand ils sont bien utilisés.
La kétamine est-elle une drogue ?
Oui, la kétamine est classée comme stupéfiant de catégorie III, ce qui signifie qu’elle a un potentiel d’abus. Mais dans un cadre médical, elle est utilisée à des doses très faibles, sous surveillance stricte. L’objectif n’est pas de « planer » - c’est de stimuler la régénération neuronale. L’abus se produit uniquement hors du contrôle médical, dans des contextes récréatifs. En clinique, les risques sont minimes.
L’eskétamine peut-elle remplacer un antidépresseur oral ?
Non. L’eskétamine doit toujours être associée à un antidépresseur oral. Elle n’est pas conçue pour être utilisée seule. Son rôle est d’agir comme un catalyseur pour réactiver l’effet des médicaments traditionnels. Sans antidépresseur oral, l’effet de l’eskétamine est moins durable.
Combien de séances sont nécessaires pour voir un résultat ?
Pour la kétamine IV, beaucoup de patients ressentent une amélioration après la première séance. Pour l’eskétamine, il faut généralement deux séances avant de voir un changement significatif. Le protocole standard est de 6 à 8 séances sur 4 semaines, puis une phase de maintenance toutes les 1 à 3 semaines.
Puis-je conduire après une séance ?
Non. Les deux traitements provoquent des effets de dissociation, d’étourdissements ou de troubles de la coordination. Vous devez rester sous surveillance pendant deux heures après chaque séance, et vous ne pouvez pas conduire ni utiliser de machines lourdes le jour même. Il faut toujours venir accompagné.
Ces traitements sont-ils remboursés en Suisse ?
En Suisse, la kétamine et l’eskétamine ne sont pas encore officiellement remboursées par l’assurance de base pour la dépression. Elles sont considérées comme des traitements expérimentaux. Certaines assurances complémentaires peuvent couvrir une partie des frais, mais cela dépend du contrat. Il est essentiel de vérifier auprès de votre assureur avant de commencer.